Les articles 7 et 8 de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 mettent en œuvre le principe de fraternité en lui reconnaissant une valeur constitutionnelle et en affirmant qu’il implique la liberté d’aider autrui à titre humanitaire, indépendamment de la régularité de son séjour. Cette reconnaissance a conduit à censurer les dispositions législatives qui réprimaient pénalement l’aide humanitaire à la circulation ou au séjour d’étrangers en situation irrégulière, au nom d’une nécessaire conciliation entre fraternité et ordre public.
En effet, l'article L 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyait que « [...] toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ». Des associations humanitaires s'en sont émues et, lors d'un procès, le Conseil constitutionnel a été saisi.
Sa réponse a consisté à articuler l'impératif d'ordre public et le principe de fraternité. Dans son analyse sur le fond, le Conseil constitutionnel a affirmé explicitement que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle, en s’appuyant sur l’article 2 de la Constitution et d'autres références : « La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à "l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité". Il en ressort que "la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle". » Pour le Conseil, « il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
Extraits de la décision
7. Aux termes de l’article 2 de la Constitution : « La devise de la République est “Liberté, Égalité, Fraternité”. » La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l’« idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Il en ressort que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle.
8. Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national.
9. Toutefois, aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle.
10. Dès lors, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public.
13. Dès lors, en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs à l’encontre de ces dispositions, les mots « au séjour irrégulier » figurant au premier alinéa de l’article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Questions
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